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Message  BC Sam 17 Nov - 17:01

Un texte rédigé par des enseignants du département de sociologie :

Vendredi 16 novembre 2007

Nous, enseignants-chercheurs, chercheurs et membres du personnel de
l'université affirmons notre opposition catégorique à la loi dite LRU,
notre soutien plein et entier à la mobilisation étudiante et notre
participation à ce mouvement.


Sous couvert « d'autonomie » (de gestion, mais ni intellectuelle ou
scientifique) et afin notamment de favoriser la constitution de « pôles
d'excellence » susceptibles d'améliorer la place des universités
françaises dans le dérisoire « palmarès de Shanghai » (ou dans la course
pour attirer les meilleurs « cerveaux »), cette réforme, d'inspiration
manageriale, vise à amplifier la concurrence entre établissements du
service public d'éducation et de recherche, laquelle risque à terme de
transformer la majorité d'entre eux en « collèges » universitaires
limités au niveau de la Licence, ainsi qu'à déléguer à ces
établissements le soin de gérer le désengagement croissant de l'Etat
concernant leur financement.

Ainsi, et pour faire face à une crise financière déjà présente, ces
établissements sont fortement incités à se lancer sur le modèle, -
apparemment indépassable- , des grandes écoles de commerce et de
sciences politiques, dans la course aux fonds privés qui, par le biais
des déductions d'impôt, deviennent une des portes de l'accès aux
ressources publiques. De même, le recrutement de personnel non
statutaire est vivement encouragé. En effet, la réforme anticipe les
difficultés financières auxquelles seront nécessairement confrontées les
universités qui ne parviendront pas à capter les ressources privées et
publiques en les autorisant à recruter un personnel (enseignant,
chercheur et administratif) sans statut. Nul doute qu'avec ces
possibilités nouvelles de recruter sous contrats privés, les
fonctionnaires seront de moins en moins nombreux dans les universités.
Enfin, cette réforme aboutira inéluctablement à une augmentation
progressive des droits d'inscription. Comme les collectivités
territoriales aujourd'hui contraintes d'augmenter les impôts locaux si
elles veulent se donner les moyens de mener une politique propre, les
établissements qui n'intéressent pas directement le marché de l'emploi
privé seront à terme nécessairement conduits à sélectionner leurs
étudiants, et /ou à les solliciter financièrement au travers d'une
augmentation généralisée des droits d'inscription (on parle de montants
tournant autour de 3.000 / 4.000 euros). Cette augmentation, -
officiellement repoussée pour des raisons essentiellement tactiques -
est d'ailleurs réclamée par les parlementaires de l'UMP, comme par la
Conférence des présidents d'université (CPU).

Sous couvert de « bonne gouvernance », qui ouvre également la porte à
une évaluation du personnel par les « résultats » dont l'efficacité est
loin d'être prouvée, cette réforme, - réclamée elle aussi fortement par
la CPU-, balaye le principe de collégialité ayant traditionnellement
cours à l'université et réduit considérablement le pouvoir des
disciplines dans les recrutements. A ce titre, elle représente une
régression tant démocratique que scientifique. En effet, elle augmente
considérablement le pouvoir des présidents d'université transformés
alors en autant de petits chefs d'entreprise ayant la haute main sur «
leur personnel ». Ainsi, et au travers notamment de la disparition des
anciennes « commissions de spécialistes » et de leur substitution par
des « comités de sélection » ad hoc dont les membres sont proposés par
le président, - comme du droit de veto de ces derniers sur les
recrutements- , les futurs présidents exerceront un contrôle
particulièrement étroit sur le recrutement de leurs «chers collègues».
Présentés comme un remède au « localisme » qui affecte beaucoup de
recrutements actuels, ces comités de sélection ne feront pourtant que
renforcer les logiques de clientélisme. A cela s'ajoutent d'autres
instruments de « domestication » du personnel, comme par exemple la
définition de la répartition des obligations de service des
enseignants-chercheurs entre enseignement, recherche et administration
par le Conseil d'administration, la délivrance de primes par le
président, la création de « dispositifs d'intéressement », le
recrutement en CDI ou en CDD de personnels administratifs ou
enseignants, etc.

Cette réforme contient donc une remise en cause du statut national de
l'ensemble des personnels universitaires. Concernant les
enseignants-chercheurs, elle est manifestement le prélude à la réforme
de leur statut préconisée par Bernard Belloc, lequel est d'ailleurs
conseiller de l'Elysée pour les affaires universitaires. Dans son
rapport, celui-ci proposait notamment de dissocier les activités
d'enseignement et de recherche en créant un nouveau corps d'enseignant
du supérieur faisant deux fois plus d'heures d'enseignement que les
autres. Cette dissociation de l'enseignement et de la recherche, qui
permettra notamment au ministère de « faire plus avec moins » pour
reprendre une expression chère aux consultants, est congruente avec la
division, hiérarchisation accrue des établissements évoquée plus haut et
représente aussi une régression scientifique sans précédent. Car ce qui
fait le caractère universitaire d'un enseignement, c'est qu'il soit
délivré par des enseignants qui sont aussi des chercheurs.

Concernant les critères d'évaluation des universités et leurs nouvelles
missions « d'orientation et d'insertion professionnelle », l'évaluation
à l'aune de la réussite aux examens des étudiants aura probablement deux
conséquences : les facultés tenteront de recruter prioritairement les
étudiants qui ont le plus de chances de réussir leurs études (c'est le
modèle déjà suivi par l'université Paris IX Dauphine) et/ou abaisseront
le niveau d'exigence aux examens. Les étudiants les moins « rentables »
seront donc « réorientés », -bien évidemment pour « leur bien »-,
notamment au travers du nouveau dispositif « d'orientation active ».
Quand à l'évaluation de la rentabilité par les taux d'insertion
professionnelle de leurs étudiants, elle devrait logiquement inciter les
universités à se mettre au diapason des discriminations qu'opèrent
beaucoup d'entreprises lorsqu'elles embauchent. De ce point de vue, il
deviendra problématique d'accueillir massivement, comme le fait
aujourd'hui Paris VIII, les jeunes issus de l'immigration, les
étrangers, ainsi que les jeunes filles, qui sont plus discriminés sur le
marché de l'emploi (souvent quel que soit leur taux de réussite au
diplôme). Mais chacun et chacune pourra ensuite librement saisir la
HALDE (Haute autorité de lutte contre les discriminations et pour
l'égalité). Notre université risque donc de ne plus être un lieu de
formation, mais un simple centre de tri.

Loin d'apporter une solution aux problèmes actuels de l'université
française, cette réforme contribuera notamment à amplifier les
inégalités sociales devant les études supérieures au nom d'une
philosophie qui fait de la concurrence un garant de l'adaptation aux «
besoins » des publics. Ainsi, la démocratisation de l'université
(partielle et limitée, mais néanmoins bien supérieure à celle de ces
établissements déjà très « autonomes » que sont les grandes écoles) ne
sera pas renforcée dans le sens d'une démocratisation des « résultats »
(accès de tous à toutes les filières, tous les établissements, et au
même niveau d'exigence), mais dans l'accès à un plus grand
accompagnement vers le marché de l'emploi, au travers notamment de la
généralisation des dispositifs précoces de « professionnalisation » et
de la politique des stages (rarement rétribués.). Cette
professionnalisation est d'ailleurs souvent présentée comme la panacée
universelle censée répondre aux maux de l'université, comme à la demande
sociale. Pourtant, il n'y a pas de véritable réflexion sur l'acquisition
des savoirs génériques qui permettent ensuite les reconversions et la
reprise d'études « tout au long de la vie ». De même, l'importance de la
recherche est souvent soulignée par nos gouvernants (c'est le thème
européen et sans cesse rebattu de « l'économie de la connaissance »).
Mais au travers de la politique dite des « pôles d'excellence »,
celle-ci est vouée à devenir le privilège d'une minorité
d'établissements, comme d'enseignants-chercheurs. Et on observe
qu'alors, il s'agit d'une recherche de plus en plus instrumentalisée,
phénomène notamment souligné par le mouvement SLR. De même, l'« échec »
en 1er cycle n'est pas considéré à la lumière du financement insuffisant
par étudiant (pourtant attesté dans les comparaisons internationales)
comme des problèmes économiques rencontrés par certains groupes sociaux
pour étudier, mais comme un besoin d'une meilleure « orientation ». Ce
qui permet alors de déplacer la responsabilité des problèmes économiques
et d'emploi vers l'université et par là-même de culpabiliser les
enseignants-chercheurs défendant l'autonomie de la recherche. Enfin, la
pénurie matérielle chronique dans laquelle sont plongées les universités
françaises (voire même leur misère, si on les compare aux universités
étrangères) n'est pas prise en compte non plus, ce que souligne bien le
dernier budget de l'enseignement supérieur.

Contre cette remise en cause frontale du service public d'enseignement
et de recherche, - et cynique, car s'opérant souvent au nom des intérêts
supposés des étudiants et plus spécialement de ceux d'origine populaire
auxquels par exemple certains économistes « équitables » voudraient
faire croire qu'il est finalement de leur intérêt d'avoir des frais
d'inscription beaucoup plus élevés - , il faut rappeler sans cesse la
nécessaire pluralité des missions de l'Université, que sont notamment
l'élaboration et la transmission des connaissances, le développement de
la recherche comme de l'esprit critique et l'élévation générale du
niveau de formation de la population. Celles-ci ne se résument donc pas,
- comme voudrait le faire croire l'opinion économiciste dominante- , à
la production d'une main d'ouvre immédiatement prête à l'emploi sous
prétexte, et profitant du fait qu'elle a, certes, besoin de travailler.
Chaque université a vocation à être un foyer scientifique et culturel
vivant ouvert à tous, et notamment aux enfants de la démocratisation
scolaire particulièrement nombreux dans notre université qui doivent
continuer à y trouver un lieu d'émancipation intellectuelle, comme de
promotion sociale. Et de fait, il n'y aurait pas de raisonnement plus
méprisant que celui consistant à dire que ces jeunes sont tout juste
bons à être précocement « professionnalisés » dans des universités de
seconde zone, avec peu de recherche, et sous financées, tandis que
d'autres, parce qu'ils sont bien nés, auraient le privilège de
bénéficier d'une formation généraliste de haut niveau et tournée vers
l'international, sur le modèle notamment des grandes écoles françaises,
dont les budgets par étudiant n'ont, - faut-il encore le rappeler ?-,
rien de comparable avec ceux des universités.

En conséquence, nous appelons nos collègues à se mobiliser, à ne pas
pénaliser les étudiants au niveau des examens pour leur participation au
mouvement, et surtout à y participer activement eux-mêmes, notamment en
invitant les étudiants à réfléchir avec eux aux missions de
l'université, comme à la fabrication des prochaines maquettes
d'enseignement dans le cadre de la campagne d'habilitation dite du LMD2.
L'université que nous voulons est d'abord celle des étudiants, des
enseignants-chercheurs, chercheurs et de tous les personnels qui y
travaillent, et non celle rêvée par les entreprises.

Pour signer cette pétition écrire à : p8_contre_la_lru@yahoo.fr

BC

Messages : 6
Date d'inscription : 07/11/2007

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